Médecine en Égypte antique
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La médecine en Égypte antique est le fait d'un système de soins particulier, avec des médecins spécifiquement formés et aux pratiques contrôlées, exerçant en clientèle ou dans des lieux réservés, établissant des conclusions diagnostiques, usant de moyens thérapeutiques multiples, et toujours en relation avec le divin.
Les connaissances sur la médecine en Égypte antique proviennent de papyri, de récits de savants grecs et romains, de bas reliefs, d'ostraca.
Le concept de maladie est différent :
* en Égypte antique, on ne meurt pas en bonne santé,
* la maladie est la manifestation corporelle de la prise de possession du corps du patient, œuvre d'agents surnaturels (ennemi disposant d'une puissance magique, défunt mécontent, divinité fâchée, etc.),
* l'enveloppe corporelle est un élément nécessaire pour accéder à la vie éternelle, et sa destruction interdirait de l'espérer (la pire situation pour un ancien égyptien était d'avoir son corps brulé, car le corps était alors perdu).
N.B. Il existe une hypothèse sur l'origine des connaissances médicales égyptiennes antiques, qui voudrait que ce soit une « copie » de la médecine mésopotamienne, ce à quoi il est fait réponse que le développement de la civilisation mésopotamienne est postérieur à celui de l'Égypte. Cette polémique est hors sujet et ne peut pas participer à l'objet de cet article encyclopédique.
Sommaire * 1 Le système de soins
* 2 La formation des médecins
* 3 Les lieux et modes d'exercice
* 4 Les conclusions diagnostiques
* 5 Les moyens thérapeutiques
o 5.1 Des substances à action thérapeutique supposée
o 5.2 Les remèdes repoussants
o 5.3 La chirurgie
o 5.4 Les soins dentaires
o 5.5 La contraception
* 6 La relation permanente avec le divin
o 6.1 La magie et les incantations divines
+ 6.1.1 Les incantations
+ 6.1.2 Les actions prophylactiques
+ 6.1.3 Les sanctuaires des dieux guérisseurs
o 6.2 Les dieux
* 7 Imhotep, Asclépios, Esculape : une filiation ?
* 8 Sources archéologiques
Le système de soinsLa vision du monde du XXe siècle entraîne à évoquer la médecine en Égypte antique en comparaison des services que nous connaissons. Il semble plus légitime, sans que cela soit péjoratif pour les anciens égyptiens, de présenter ce que nous en connaissons comme un système de soins dépendant de l'institution du temple.
Le système de soins des anciens égyptiens est un service public :
1. gratuit, c'est-à-dire accessible à tous, quelle que soit la situation de fortune ;
2. disponible dans tout le pays ;
3. disponible à tout moment.
Il fait partie d'un service public plus général qui gère les canaux d'irrigation, l'éducation, la justice et les réserves de grains, tout cela pour la population de l'Égypte antique.
Il est sous l'autorité de l'institution du temple. Dans la maison de vie, l'institution du temple gère, entre autre, l'école des scribes, ouverte à tous, qui forme les futurs scribes, mais ne conserve que les meilleurs. La maison de vie assure la formation des futurs médecins et des futurs prêtres. Cette institution gère également les lieux de soins, à l'intérieur du temple, et plus particulièrement un espace de soins, nommé « sanatorium » a posteriori :
* ce ne sont pas des maisons de santé « climatologiques » avec balnéothérapie,
* ce sont des espaces sacerdotaux, contenant des cuves et des baignoires remplies d'eau sacrée, et la partie malade est immergée dans un but d'espérance de guérison divine.
N.B. Dans certains temples, des bâtiments portent le nom de « mammisi », quelque fois hâtivement traduit en « maternité ». Cette dérive est abusive : le « mammisi » est l'endroit où s'effectue la naissance divine et mythique du futur pharaon, issu de l'union de la grande épouse royale avec le dieu au cours de la théogamie. D'autre part, en Égypte antique l'accouchement s'effectue à domicile et appartient à la vie quotidienne.
La formation des médecinsLa formation des médecins, en Égypte antique, se fait dans la structure dépendante du temple, appelée « maison de vie ». Le recrutement à cette formation s'effectue après une période d'observation pour les jeunes élèves, et également, plus tard, pour les médecins grecs qui viendront compléter leurs connaissances en Égypte. Ce complément de formation pouvait durer dix ans. Les méthodes ne sont pas connues, mais reposent sur le couple maître-apprenti.
Les lieux et modes d'exerciceLes lieux d'exercices dépendent de la relation du soignant avec la religion :
* Les médecins sounou exercent en dehors du temple. Ils exercent de façon « laïque », mais selon les préceptes du temple. Leur dieu tutélaire est Thot. Ils débutent leur pratique en étant médecins itinérants : le soignant va vers le malade, et en ne soignant qu'une seule catégorie de malade. Seul le médecin de grande expérience reconnue est « généraliste ». Après une période itinérante, le sounou peut postuler pour entrer dans un centre de soins, ou exercer à son domicile.
* Les médecins ouabou-sekhmet exercent uniquement dans le temple. Leur pratique est fortement imprégnée de religion, voire de magie. Ce sont les médecins purs de la déesse Sekhmet, la déesse de la guérison. Ce sont les médecins de Pharaon, le représentant du divin sur terre.
* Les médecins exorcistes agissant par paroles magiques incantatoires et amulettes.
Les modes d'exercices sont variés : il existe des médecins pour toutes les parties du corps, pour l'esprit, pour les femmes, les hommes, les enfants, et même des médecins officiant de façon différente selon les saisons ! La postérité a retenu le cas des « médecins de l'œil », qui opéraient de la cataracte, et celui des « médecins des femmes » qui faisait réaliser des tests de diagnostic de grossesse avec pronostic sur le sexe de l'enfant à venir.
L'organisation de la médecine est réglementée depuis Imhotep, comme l'atteste une inscription sur un mur à Saqqarah, avec des règles éthiques bien définies réglementant la profession : lieu d'installation des centres de soins, surveillance de ces centres, contrôle de l'activité des sounous, estimation du service rendu, action disciplinaire.
Les conclusions diagnostiquesLa démarche diagnostique est décrite dans le papyrus Ebers. Le déroulement en est le suivant :
1. Poser des questions au patient, par étape, calmement,
2. Faire une enquête d'entourage,
3. Trouver l'origine directe et indirecte de la souffrance,
4. Chercher l'existence d'antécédents familiaux,
5. En cas de rechute vérifier si le traitement est convenablement pris,
6. Préparer un plan de soins, à court et moyen terme.
À ce niveau le diagnostic se confond avec la prescription : il s'agit plus d'un rapport détaillé comportant une suite de signes cliniques suivie d'une liste de médications. La première chose à faire est de calmer la souffrance, ensuite de stopper l'évolution et enfin trouver de une solution définitive.
Les moyens thérapeutiques Les moyens thérapeutiques utilisés par les anciens égyptiens sont simples, multiples et variés, surprenant pour un public du XXIe siècle. Ils appartiennent à différentes catégories :
Des substances à action thérapeutique supposée Tirées des trois règnes : minéral, végétal et animal.
* Minéraux : sel du Nord (natron), parcelles de cuivre, pierre de Memphis en poudre (anesthésique local ?), ocre jaune sur les brûlures,
* Végétaux : la pharmacopée apparaît comme très riche, et ce d'autant plus qu'elle a conservé un caractère secret du fait des difficultés à reconnaître les plantes utilisées à l'époque dans celles de la flore actuelle (l'évolution climatique vers le réchauffement depuis plus de 3000 ans a modifiée la faune et la flore de la région et la traduction des noms reste incertaine).
Certaines substances ne sont pas identifiées, et alors que d'autres sont sources de polémique (nicotine en Égypte antique alors que le tabac sera ramené des Amériques par Nicot ?).
Sont identifiés, par exemple, la coriandre, la caroube, le pavot, l'ail, l'oignon, la résine d'acacia, l'orge grillée, etc.
* Produits animaux : la viande (cicatrisation des plaies), le miel (antiseptique local), la cire, les toiles d'araignées (désinfectant car contiendraient naturellement une substance à action de type antibiotique faible), la graisse de bœuf, le lait d'ânesse, les viscères de porc, etc.
La préparation du médicament est le fait du prescripteur, selon des protocoles rigoureux. L'utilisation se fait sous forme d'emplâtres, pommades et onguents, préparations locales, préparations à absorber macérées dans la bière, fumigations.
Les remèdes repoussants Il s'agit de moyens mixtes, faisant appel à des remèdes excrémentiels et à la magie, pour fournir une alimentation répugnante à l'esprit qui a envahi le corps, et ainsi le chasser.
Ces excréments sont empruntés à l'âne, au crocodile, à l'hippopotame, au lézard, au pélican, au petit bétail, aux mouches et même à l'homme.
La relation permanente avec le divinMédecine et magie sont intimement liées en Égypte antique, la maladie résultant de l'intervention de mauvais génies, d'humains mal intentionnés ou de divinités. Ce sont principalement les émissaires de Sekhmet, déesse à tète de lionne, qui propagent la maladie et la mort. Cependant, ayant également le pouvoir d'apporter la guérison, cette divinité est la patronne des médecins, qui sont souvent ses prêtres.
La magie et les incantations divines La magie a une résonance particulière du fait du mythe d'Osiris : Isis « la grande magicienne », après avoir reconstitué le cadavre de son divin époux, sera fécondée « magiquement » et donnera naissance à Horus.
Les incantations Elles sont souvent associées aux autres moyens ; il s'agit le plus souvent d'une incantation qu'un dieu du panthéon avait prononcé dans des conditions (mythiques) analogues, récitée pour assurer l'efficacité du remède.
À chaque affection correspond une formule à réciter.
Régulièrement utilisées dans les soins contre les piqûres de scorpion, reconnues comme redoutables.
Les actions prophylactiques * Les amulettes.
* Les stèles prophylactiques : les stèles représentant Horus sur un crocodile sont censées protéger contre les morsures et les piqûres d'animaux venimeux.
* Les statues guérisseuses.
Les sanctuaires des dieux guérisseurs À la Basse Époque de nombreux malades visitent les sanctuaires des dieux guérisseurs tels qu'Imhotep et Amenhotep fils de Hapou (tous deux des mortels divinisés) dans l'espoir d'obtenir la guérison. D'autres tentent de l'obtenir dans les sanatoria, attestés dans le temple d'Hathor à Dendera et dans le temple d'Hatchepsout.
Les dieux * Isis déesse de la santé et de la fécondité, inventrice des remèdes,
* Horus souvent invoqué dans les cas de morsures d'animaux,
* Hathor déesse de l'amour, protectrice des femmes,
* Thot dieu des scribes et patron des oculistes,
* Sekhmet déesse guérisseuse,
* Bès protège le sommeil des dormeurs et est le bon génie des femmes enceintes,
* Serket protège les hommes des morsures, guérisseuse des morsures et des piqûres d'insectes
Les hommes élevés au rang des dieux :
* Imhotep, vizir et grand architecte du pharaon Djéser - IIIe dynastie ;
* Amenhotep fils de Hapou, architecte du pharaon Amenhotep III - XVIIIe dynastie.
Imhotep, Asclépios, Esculape : une filiation ? Imhotep est connu par ses multiples activités, et ses titres officiels nombreux : grand prêtre de Ptah, haut fonctionnaire, architecte du complexe de Djéser à Saqqarah, poète rédacteur du premier recueil connu de sagesses égyptiennes, et médecin de renom.
C'est le premier personnage connu décrit de médecin en exercice — ce qui a fait de lui, le père de la médecine. Le temps passant, son aura grandit : il devient le patron des scribes. À la Basse Époque il est divinisé en tant que fils de Ptah et devient divin-guérisseur avec un sanctuaire. Sous les Ptolémées, son nom est hellénisé en Ἰμούθης / Imoúthês, et son image divinisée confondue (fondue ?) avec celle d'Asclépios : les Grecs apprennent la médecine à Alexandrie (cf. médecine en Grèce antique).